L'alcool avait intoxiqué ton sang. Le cerveau embrumé par tes nombreuses gorgées de houblon bon marché. T'avais la rage dans les tripes, les pieds trainant maladroitement sur l'asphalte, bouteille au bout des doigts. Jeune adulte déjà ruiné par une vie trop rude. T'avais pas encore ouvert la porte de ton misérable appartement mal isolé que tu pouvais l'entendre pleurer, hurler des supplications. Pourquoi donc avait-elle si mauvais goût ?
C'était le huitième qui lui avait promit la lune seulement pour lui offrir plus de douleur. Violence, liqueurs, c'est tout ce que tu avais connu de la part de ces hommes de passage auxquels elle avait décidé d'accorder sa stupide confiance. Il est pas si mauvais. Il nous offre un toit. Elle avait toujours les arguments pour justifier son incapacité à s'enfuir.
Cette vie toxique, c'était son choix. Pas le tien.
Colère et trop plein. T'es entré chez toi incendié, pour envoyer ton poing dans la mâchoire de la loque humaine qui osait tenir ta génitrice par sa crinière décolorée. Une fois, deux fois. Puis t'es allé chercher ta batte de baseball dans ta chambre. Vieux souvenir d'une tentative sportive vites avortée.
Avec une détermination d'ivrogne, tu t'es rué dehors, t'as trouvé son véhicule. Et t'as fais pleuvoir ta rancoeur sur sa carrosserie. Enfonçant le métal dans un fracas qui a rallumé les lumières dans ta rue. Alarme assourdissante et débris de verres. C'est toi qui es passé pour le fou dans ce scénario. Le danger.
C'est la conclusion que la justice a donné lorsqu'elle t'a jugé coupable.
Et t'as eu le coeur brisé lorsque ta propre mère a refusé de prendre ton parti. Lorsqu'elle s'est rangée du côté de son bourreau qui avait le mérite de payer la facture d'eau. Enfant abandonné à la faveur de la violence.
Laissé avec un ordre de dédommagement imposant. Impayable.
La banque t'a ri au nez. Alors t'as fais l'idiot, juste pour essayer de t'en sortir.
T'as été emprunter de l'argent à cette étrange organisation qui ne t'a même pas posé de questions. Les intérêts exorbitants, t'as pas trouvé d'autre solution que de leur laisser te passer les menottes. Ça puait et tu avais bien conscience que c'était se jeter dans la gueule du loup. Ces hommes douteux en costume qui sucent le désespoir des pauvres pour dormir sur des ligots d'or.
Alors t'as commencé à enchaîner des jobs misérables, à travailler jusqu' à t'en épuiser pour toujours payer à temps ta dette, trop effrayé par les conséquences en cas d'échec.

Ta vie n'était plus que labeur. Seul, noyé dans les conséquences de ton amour à sens unique pour ta mère. Et puis tu l'as rencontré, lui.
Il a réchauffé ton coeur fragile et il t'a emmené vers un nouvel horizon. Busan. T'as quitté Ulsan pour être à ses côtés tous les jours. Tu lui as offert le peu qu'il restait de toi, en espérant qu'il te répare.
Mais il n'a fait que te briser un peu plus. Lui aussi, il t'a laissé. Il est parti vivre sa vie plus dorée que la tienne sous le ciel américain. Une chance de pouvoir étudier, de devenir quelqu'un. Il t'a dit au revoir, il a choisit un avenir sans toi. Et encore une fois, t'es tombé à genoux. Rejeté.
T'es retombé dans ta routine éreintante, focalisé sur le remboursement de ta dette. Il te restait plus que quelques billets à balancer pour en être débarrassé. Mais la vermine a voulu se jouer de toi. Ajout d'intérêt, paie plus pour rester en vie. Encore et toujours, peut-être même jusqu'à ta mort. Extorqué et coincé. Faible face à leur menace.
Alors t'as commencé à vendre ton corps, après tout, c'est dans tes gênes. C'est de ce métier que tu es né. C'était par désespoir, pour survivre. Au début tu serrais la mâchoire et puis tu as finis par t'habituer. T'as commencé à accepter la brutalité de certains clients frustrés jusqu'à leur proposer ta douleur comme défouloir pour encaisser plus.
Te voilà désormais punching-ball humain, poupée vivante. Corps sans âme.