ootd ϟ  L'esprit ailleurs, loin de la maison. Il ne réfléchit pas, ou plutôt, il réfléchit à tout autre chose, rangeant quatre assiettes propres d'un repas de trois personnes.  Juyeol est rêveur, bien plus encore qu'à l'époque où le basket faisait parti si intégrante de sa vie et ça fait un mois… Un mois que ça dure à présent. Un mois qu'il sort avec Alix, à se voir régulièrement et un mois que l'idée même le fait sourire comme un idiot. Il est loin dans ses pensées quand son portable retentit dans l'espace réduit de la cuisine, l'arrachant à sa tâche. Un numéro non répertorié affiché sur l'écran et pourtant, il en reconnaît les chiffres pour les avoir trop lus. Ce soir, on lui informe que son petit frère est détenu par des agents, encore une fois, et qu'il ne s'est pas contenté de peu. Même si les détails lui sont épargnés, UNE BIJOUTERIE ? attire l'attention du reste de la famille. Le capitaine feint maladroitement un faux numéro avant de s'éloigner au profit du couloir, assurant qu'il arrivait. Son père n'avait pas à savoir, son père n'avait même jamais su. Mais un jour, il n'arriverait plus à faire barrière. Si il savait qu'en traversant les rues, il ne trouverait pas le même Han, porté disparu depuis ce matin et réapparaissant peu après que son grand frère se soit éclipsé. Non, à la place, face au policier sur place, il écarquille les yeux devant les explications. Han Alix l'attendait, et c'est un Juyeol, la surprise lisible qui eut beaucoup de mal à se raccrocher à cette histoire inventée. L'agent insistant, il hoche la tête et paie sa libération, lui épargnant plus de temps derrière les barreaux.   Il ne recommencera plus, j'en prends la responsabilité. Merci beaucoup. Il se courbe bas, il se courbe poliment à plusieurs reprises avant de se redresser, posant la main ferme et lourde dans le dos de Alix. Il l'incite à faire de même avant de sortir, retrouvant les rues sombres de Busan. Son regard est contrarié, braqué. Ses sourcils sont froncés et si il entrouvre plusieurs fois les lèvres, il ne dit rien. Il se contente d'avancer.  Han Alix, il ne le connait pas.

ootd ϟ Assis sur cette chaise et coincé derrière ces murs, c'était bien la première fois de sa vie qu'Alix se retrouvait dans une situation pareille. Face à lui se trouvaient ses complices, ceux qui l'avaient emporté dans leurs bêtises. Mais fallait croire que c'était un peu de sa faute aussi, à vouloir chercher le crime sur un coup de tête. Pourtant, rien n'avait semblé mal sur l'instant, c'était juste... pour voir ce que ça faisait. Et le français niera jusqu'au bout qu'il s'était juste bien fait enroulé, qu'on l'avait bien manipulé et qu'il se refusait juste de le voir en face. Non, ces gens-là n'avaient pas de mauvaises influences sur lui. C'était lui, Alix, qui l'avait voulu. En entendant le policier s'approcher de la pièce, il releva les yeux, espérant que c'était pour lui et en voyant l'agent lui faire un signe de tête, il se leva sans rien dire, sortant de détention sans accorder un regard aux autres. C'est alors qu'il se demanda si c'était vraisemblablement la meilleure idée d'avoir choisi Juyeol pour venir le chercher. Juyeol, son désormais petit-ami, celui pour qui il semblait si parfait. Néanmoins, c'était par gage de confiance s'il avait osé mentir au policier ce soir-là, donnant son numéro sans hésiter. Et en captant le regard surpris du plus vieux, peut-être qu'il aurait dû y réfléchir à deux fois à la réaction qu'il pourrait avoir. Mordant l'intérieur de sa joue, Alix priait pour qu'il joue la comédie. Ce qu'il fit. Pourtant, le geste n'avait rien eu de soulageant, comme s'il y avait eu un arrière-goût amer. Cherchant à croiser ses prunelles, le Park se laissa porter en-dehors du commissariat aux côtés de Juyeol, mais rien pour le réconforter. Ils marchèrent ainsi pendant quelques minutes à peine qui semblèrent longues. Jusqu'à ce que le français ne daigne briser le silence. Son dos se libéra de sa main lourde qu'il attrapa bien vite, la serrant doucement dans la sienne. Il l'obligea ensuite à s'arrêter en se mettant face à lui. Puis il tenta de capter son regard, l'air peiné. « Juyeol... » commença-t-il. « Tu m'en vouloir ? » demanda-t-il finalement. « Je pouvoir t'expliquer tu sais... » Son corps se rapprocha du sien alors que ses prunelles tentaient toujours de sonder les siennes, comme pour le saisir, le sentir présent devant lui. Où était passé ce regard qu'il avait tant l'habitude de lui accorder ?

ootd ϟ  Il n'avait rien dit. A partir du moment où il laisse le commissariat derrière eux, il n'avait pas laissé son regard se perdre dans le sien. Il n'avait pas non plus demandé d'explication, se contentant d'avancer dans les rues du quartier en direction de chez lui, sans savoir si il devait le raccompagner car il n'avait jamais été dans cette position, avec lui. Jusque là, tout avait semblé filer si parfaitement qu'il avait encore du mal à y croire. Ce n'était pas possible, pas vrai ? Alix ne pouvait pas être la même personne, persuadé que Alix ne ferait même jamais de mal à qui que ce soit. Il s'arrête au contact de sa main se saisissant de la sienne et enfin, ses yeux rencontrent les siens. Oh, il l'aime… Il l'aime toujours autant. Et si il n'y avait pas cette histoire autour d'eux, il se serait empressé de fondre ses lèvres sur les siennes ou de le serrer entre ses bras. A la place, le capitaine relâche ses doigts pour s'en échapper, secouant doucement la tête. Oui, explique moi. Il en avait besoin, pour ne pas croire qu'il avait menti à ce policier pour servir de garant à quelqu'un qu'il ne connaissait définitivement pas.  Dis moi que tu avais vraiment besoin d'argent et que tu n'avais pas le choix. Parce que … Alix, voler c'est un crime et ça peut être noté sur ton casier On lui a expliqué. Plusieurs fois et sans succès. Et Juyeol pourra pas s'empêcher de s'inquiéter pour lui, des conséquences et de ce que ça représente. Ne lui avait-il pas dit ? Il voulait que Alix soit heureux, et il voulait forcément le meilleur pour lui. Il ne voulait par ressentir cette peur de recevoir encore un appel, pour un délit similaire ou plus grave. Il ne voulait pas le retrouver comme son petit frère et il ne voulait pas se sentir comme ça, face à lui, incapable de ne rien faire.  Dis moi que c'était un malentendu et que tu n'as pas compris.

ootd ϟ Son cœur palpitait fort dans sa poitrine et une teinte rosée n'avait pas pu empêcher d'apparaître sur ses joues, signe que l'embarras lui mordait aux pommettes, au même titre que le froid alentour. Le pas arrêté, il fixait Juyeol droit dans les yeux, cherchant son attention. À la place, il n'y avait qu'un air distant pour lui répondre, le désorientant complètement. Et s'il ne l'aimait plus à cause de ce qu'il avait fait ? Et s'il n'était plus le Alix qu'il pensait être ? Et s'il perdait la fierté qui animait d'habitude son regard ? Ça aurait bien plus rongé le français qu'il n'aurait voulu le laisser croire. L'idée de perdre son estime, son intérêt, son amour. Un concept qu'il avait toujours détesté au fond de lui, recherchant toujours le contraire. « Je... » Il n'aurait su lui expliquer vraisemblablement ce qui lui était passé par la tête lorsqu'il avait soudainement décidé de se lancer dans cette idée, persuadé pourtant que ce qu'il avait fait était... juste. « Alix avoir besoin argent, oui... mais c'était pas pour moi. Mais pour... amis. » dit-il en baissant subitement le regard, comme s'il s'attaquait à un terrain glissant. « Ils avait besoin de cette argent, alors Alix... a aidé. Je les connaissez de la fac. Bonnes personnes ils sont. » conclut-il en relevant les yeux vers son petit-ami, cherchant quelque chose qui le rassurerait sur son visage. Dieu seul savait qu'il aurait déjà fondu sur son visage à ce rythme-là, prêt à lui dévorer les lèvres comme ils avaient tant l'habitude de faire. Mais il se retenait, sans se rendre compte qu'Alix avait déjà réduit la distance les séparant, pouvant alors observer ses traits dans le plus grand des détails. « Juju être fâché ? » demanda-t-il alors que son souffle se répercutait contre ses lippes. Sa main s'agrippa à la manche de son haut, signe qu'il avait peur que ce soit le cas. Il n'avait pas voulu qu'il s'inquiète pour lui, il ne voulait que son bien. Qu'il était bête.

ootd ϟ  Peut-être l'avait-il idéalisé, peut-être n'avait-il voulu voir et croire que dans ce monde créé ensemble, à l'abris de tous, rien ne pouvait lui déplaire. Mais la réalité, leur quotidien les rattrappait doucement. Il n'était pas seulement Alix, les lèvres collées aux siennes à chaque fois qu'ils se voyaient. Il était aussi Alix, perdant doucement l'enfance en entrant à l'université, un univers s'éloignant bien loin du sien. L'influence du monde et la légèreté d'un entre deux.  Q-quoi ? Un hoquet de surprise et les traits tiraillés par l'incompréhension. Honnêtement, il aurait préféré qu'il manque d'argent car alors, il aurait sûrement pu être un appui. Il aurait pu agir. Il aurait pu ne pas être seulement spectateur. Les bonnes personnes ne volent pas Alix... Les bonnes personnes travaillent dur. Juyeol oublie qu'il a été dans cette position, autre fois. Juyeol oublie, effacé par l'éducation reçue. Et Juyeol s'inquiète malgré tout. L'idée que son petit-ami se mette en danger pour d'autres ne lui plaisait pas. Elle le dérangeait. Ils étaient où, d'ailleurs, ses amis ? …  C'est eux qui t'ont demandé de faire ça ? C'est eux qui t'ont demandé de voler ?  Ou c'était la solution que le français avait trouvé seul ? L'influence ou son propre choix ? La proximité est dangereuse et le rend bien plus faible. Il est fâché, il sentait que sa morale grondait, en bon capitaine ramenant son équipe sur le droit chemin. Mais lui, face à ses yeux et s'accrochant à sa manche, c'était plus difficile d'être solide. De ne pas seulement le prendre dans ses bras en lui demandant de ne pas recommencer. A la place, ses mains se posent lourdement sur ses épaules et ne dévie plus son attention. Il le scrute, les lèvres entrouvertes prêtes à répondre et pourtant...ça le dépasse. Je suis déçu Alix... ne recommence pas. Tu peux me promettre ça ?  

ootd ϟ Les traits abîmés, défigurés par cette inquiétude palpable et si dangereuse. Alix avait peur. Peur de ce que Juyeol allait lui dire. Il ne voulait pas affronter ce regard déçu qui lui vrillerait le cœur, ni entendre ses paroles sans vie qui lui remueraient l'estomac, ou encore ses mains froides contre sa peau ardente. C'était trop, beaucoup trop pour une âme qui venait tout juste d'apprendre ce que ça faisait que d'aimer pour de bon. L'air coupable, Alix avait laissé ses yeux fixer un point au loin derrière l'épaule de son aîné. « Je... » Il cherchait ses mots, ne savait plus que dire devant le ton ferme de son petit-ami, un côté de lui qu'il avait déjà effleuré, plus particulièrement sur le terrain de basket, mais qu'il n'avait jamais eu l'occasion de confronter. « Ils... » Pouvait-il toujours les appeler amis à présent... ? Alix n'en avait aucune idée. Où était la limite lorsqu'on avait besoin d'elle ? « Oui, ils avoir demander. Et j'ai dit oui. » Parce qu'il n'avait pas vraiment pensé à mal à ce moment-là, mais peut-être que eux si au final... Ils avaient toujours été gentils avec lui, ne s'étaient jamais moqué de son accent bidon et de ses mots hachés, tant qu'ils arrivaient à le comprendre. Ils traînaient avec eux depuis le début de sa scolarité, et Alix s'y plaisait bien. Du moins, c'était son point de vue. L'avaient-ils utilisé ? Ou alors c'était juste lui qui s'embrouillait dans son propre bourbier ? Le français avait juste été heureux de se dire qu'il avait des amis sûrement, sans se rendre compte que ce n'était qu'une étiquette. Lorsque Juyeol posa lourdement ses mains sur ses épaules, Alix eut instinctivement le réflexe de poser sa main sur la sienne, comme s'il allait s'échapper d'une minute à l'autre. Puis ses mots le heurtèrent comme un poids en pleine face. Juyeol... déçu. Alix ne put réprimer son air triste de se déployer sur ses traits. « Alix... ne recommencera pas. Promis. » dit-il doucement, se jurant de mettre sa promesse à exécution. « Hyung, tu me pardonnes ? » demanda-t-il finalement, son regard trempé croisant le sien.

ootd ϟ Tous les deux n'auraient pas voulu se retrouver là, en arriver à ressentir cette sensation déplaisante au fond de l'estomac et se confronter au regard de l'autre. La peur, la déception, la découverte, et le chemin long de l'acceptation de l'éventualité que tout ne se déroulerait pas si bien à l'avenir. Qu'un jour, eux aussi se confronteront à des valeurs, des avis, des caractères totalement opposés et jusque là, encore inconnu. Secoué par l'idée qu'Alix ne puisse pas être l'homme qu'il voyait de son regard teinté de sentiments et anxieux qu'il puisse glisser sous l'influence de nouvelles personnes dans sa vie, Juyeol se retrouve torturé. Il ne voulait pas les laisser s'approcher un peu plus de Alix et ne voulait pas lui laisser l'occasion d'y replonger, mais il sait, il ne peut rien forcer. Il ne peut pas l'empêcher de leur parler, de choisir ses propres fréquentations. De l'inquiétude et de la jalousie naissance formant un mélange des deux aspects et pourtant, Juyeol reste droit, à ne rien avouer de tout ça pour se consacrer aux faits et à la raison. Un comportement d'adulte et de jugement, un regard lourd et des mots qu'il ne mâche pas. Il l'avait déçu, et par les traits de son visage, il voit à quel point il venait de l'affecter.   Si tu promets alors… Il ne dévie pas, pourtant le poids de ses mains s'allègent avec hésitation, la pression doucement cède au fil des minutes, comme il cédera toujours à Alix. Il ne pouvait aller contre une promesse, pas vrai ? Si c'était l'unique fois, il pouvait accepter les erreurs, il pouvait croire que ce n'était qu'un simple écart. Car au final, c'était même plus simple de se dire que ça n'arrivera plus jamais et qu'il s'inquiétait pour rien.  Si tu promets, alors oui je te pardonne.  Il hoche la tête pour sceller son choix et se rapproche, ses mains quittant ses épaules pour remonter contre ses joues mordues par le froid de la nuit. Han Alix. C'est plus léger, plus murmuré et ça lui étire enfin un premier sourire avant de le laisser s'éteindre contre ses lèvres, voulant soudainement effacer la tristesse de son regard.

ootd ϟ Leurs mondes s'entrechoquèrent et finalement l'enchantement des premiers mois s'évapora, brisant cette image si idyllique d'un amour qui attendait simplement de briller. Les rêveries s'estompèrent pour laisser la réalité tisser leur relation telle qu'elle devrait être, teintée de ces taches froides d'amertume, de jalousie, de rancœur. Ils n'étaient plus des enfants, les contes de fée n'avaient plus de sens et peu à peu, Alix le voyait. Tout ne pouvait pas être rose et tout ne pouvait pas être pardonné au nom de l'amour mais ce n'était pas une leçon qu'il assimilait encore entièrement. Le regard planté sur ce visage qu'il avait aimé dès le début, le Park n'aurait jamais pu imaginer un jour être la cause de cette déception qui se dessinait sur ses traits. Si bien que son organe vital en ressentit un serrement douloureux, lui faisant baisser les yeux. Et si Juyeol ne lui faisait plus confiance, comment pourraient-ils prétendre à continuer leur relation ? Et si à cause de lui, tout s'effondrait pour ne laisser que les fragments de cette vie à deux qu'ils avaient mené jusque-là ? Et si, au final, il ne l'aimait plus ? Cette terrible idée, source de tous les cauchemars qu'Alix aurait eu le malheur de rencontrer, avait toujours été ce qu'il espérait être le fruit unique de son imagination. Tout comme il avait toujours imaginé qu'un monde sans Juyeol n'était pas un monde. Alors lorsque ce dernier éleva de nouveau la voix, Alix releva doucement les yeux vers lui, pendu à ses lèvres. Bientôt, un sourire prit place et il comprit. Il lui donnait une seconde chance et vivement, le plus jeune s'était empressé de la saisir de ses deux mains. « Vraiment ? » demanda-t-il par réflexe, se doutant pourtant déjà de la réponse. Soudainement, son regard se mit à briller et on pouvait y lire tout le bonheur qui lui gonflait autant la poitrine. Et au moment où ses mains rencontrèrent ses joues, ce fut comme si son cœur s'était mis à fondre, l'emplissant de mille et un papillons. Il l'aimait. C'était indéniable. « Park Juyeol. » eut-il le temps de murmurer avant que ses lèvres ne fondent sur les siennes, bien heureuses de les retrouver. Ses bras entourèrent sa nuque et bientôt, ses effluves se mêlèrent de nouveau à celles du jeune homme. Il l'avait retrouvé et sa tristesse n'était à présent plus qu'un souvenir.